Plaisirs et Châtiments

Jimmy Sabater _ Plaisirs et Châtiments (Baleine)

Plaisirs et Châtiments

Première édition (Baleine/Le Seuil)
Poche:
182 pages
Editeur : La Baleine (6 février 2001)
Collection : Velours
Langue : Français
ISBN-10: 2842193180
ISBN-13: 978-2842193188
Dimensions du produit: 17,5 x 11,4 x 1 cm
Résumé : MG vit dans le luxe, le succès et l’opulence de la haute société londonienne. Avec ses amis, elle fait de son existence une fête décadente où le champagne, les drogues et le sexe sont les compagnons de tous les instants. Mais cette recherche insatiable de plaisirs nouveaux, trahit les vides et les désillusions d’une vie à double tranchant. En victime diabolique. MG va user de toutes les armes pour se métamorphoser en cet autre qui aime sans autant punir.

 

 

EXTRAIT

L’extrait présenté ci-dessous provient d’une nouvelle édition augmentée du roman à paraître prochainement.

Avertissement

 

À la fin des années 90, un sac contenant un paquet emballé avec du papier de soie est retrouvé par un promeneur sur un banc du parc Monceau, à Paris. Après un rapide examen, il découvre six petits livres artisanaux dont les couvertures sont illustrées par des peintures originales représentant des nus féminins. Selon son témoignage, les différents volumes sont liés grâce à un ruban de soie de couleur rouge. Le promeneur  ne lisant pas l’anglais, il décide d’abandonner sa découverte chez un bouquiniste des quais de la Seine qui le vend pour une bouchée de pain sur internet. On perd la trace de ces journaux intimes jusqu’au début 2000 lorsqu’un collectionneur de manuscrits prétend détenir des preuves accablantes à l’encontre de la célèbre écrivaine de romans roses Margaret Gale. Les quelques extraits rendus publics à ce moment-là  sont si accusateurs et scandaleux que la maison d’édition porte plainte. Les manuscrits disparaissent à nouveau.

Ils sont publiés et réunis ici pour la première fois. Pour des raisons juridiques, tous les noms ont été remplacés par des initiales. Ainsi, les personnages et les évènements relayés dans ce roman sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite.

RB

 

Livre I

 

Me voici maintenant à commencer un journal. Je n’avais jamais envisagé d’écrire sur moi, mais la couverture de ce cahier était belle, alors je l’ai acheté. Je vais y écrire tout ce qui me vient à l’esprit. Ce sera comme une trace de ce que je vis, un repère ou un complice.

Cet après-midi je suis allée voir une exposition sur le thème de la sexualité à travers l’histoire. J’ai appris qu’au Moyen Âge on attachait les enfants à leur lit pour qu’ils ne soient pas tentés de se masturber. Ou, pire encore, on mettait le pénis des enfants à l’intérieur d’un anneau cranté afin de les punir de la moindre érection.

J’étais horrifiée.

J’imagine que ces enfants n’avaient qu’une chose en tête : s’enfuir et explorer cette partie d’eux qui leur valait tant de désagrément.

Moi, je suis comme ces enfants. Je cherche quelque chose à travers le sexe. La différence c’est que personne n’a eu besoin de m’attacher ou de m’empêcher de vivre ma sexualité. Je suis esclave de mes désirs et de mes pulsions. Je subis ma sexualité comme un animal, sans savoir pourquoi je la vis, sans chercher à échanger ou à aimer. Je ne commande pas mon corps, c’est lui qui choisit tout.

Tout à l’heure, j’ai allumé la télé, machinalement.

Il y avait un couple qui se plaignait de ne plus faire l’amour depuis deux ans.

Comment font-ils ?

À ce stade du non-désir, on doit se sentir comme avec un vieil ami, un frère ou une sœur. Le désir n’est pas quelque chose d’artificiel qui se fabrique. Le désir nous prend, nous dévore… Nous détruit. C’est toujours lui qui gagne. C’est lui le plus fort.

Après un débat des plus creux, tout le monde en est arrivé à la conclusion que des vacances dans un endroit exotique et la perspective d’avoir un enfant remettraient tout en ordre dans leur relation.

Cette émission m’a agacée, alors j’ai appelé Steven. Je sais.j’avais dit que je ne le verrais plus… J’aime sa manière de faire l’amour. Il n’y a rien

d’autre qui m’intéresse en lui. Il dégage quelque chose de magnétique, de presque envoûtant. Une sorte d’aura qui m’aspire vers lui et qui réveille mes instincts les plus sournois.

Steven se demandait pourquoi je l’appelais. Je lui ai dit que je voulais récupérer les disques que j’avais laissés chez lui. Il n’a pas paru surpris.

Quand je suis arrivée, il avait atténué l’intensité de toutes les lumières et s’était installé devant un feu qui flambait dans sa cheminée (quel romantisme !). Comme à son habitude, il était torse nu. Il sait que je ne peux pas y résister. La seule vue de sa peau suffit à m’électriser. J’ai envie de me jeter sur lui et d’arracher le peu de vêtements qui lui lui reste.

Mais non. Cette fois nous avons commencé par boire une coupe de champagne, tout en bavardant de sujets divers. Il m’a dit qu’il allait vendre sa maison en Espagne. J’ai trouvé cette idée stupide, une si jolie maison… Mais bon, j’imagine que c’est symbolique. Il veut s’en débarrasser pour oublier nos souvenirs là-bas. Je n’ai pas osé lui proposer de l’acheter. Je me débrouillerai pour trouver l’agence qui s’en occupe.

Bref nous avons fait l’amour et c’était divin, une fois encore.

Avec Steven, j’ai le sentiment que nos corps ont un langage, qu’ils échangent des mots, des phrases… Qu’ils se mentent, se déchirent, se retrouvent. C’est beau. C’est une beauté qu’aucun artiste ne peut matérialiser. Une toile où les couleurs seraient des sensations, une musique où les notes seraient des sentiments. De l’abstraction pure.

Après, Steven m’a dit qu’il m’aimait, qu’il se tuerait si je l’abandonnais encore. Cela m’a énervée. J’ai terminé ma coupe de champagne et je suis partie.

Je prends l’amour et le plaisir de mes amants, mais je ne donne rien en échange. L’amour des hommes ne m’intéresse pas. Quand je fais l’amour il n’y a que moi qui compte.

 

Je suis rentrée depuis deux heures et je ne fais rien. Je bois, c’est tout.

Mais c’est bon.

Je ne comprends pas pourquoi on veut culpabiliser ceux qui boivent… Jolie bouteille, viens près de moi. Fais-moi encore goûter ton savoureux nectar. Envoûte-moi et emporte-moi loin d’ici…

 

***

 

Je n’ai couché avec personne depuis une semaine. Mais il y a ce Québécois qui me trotte dans la tête. Je ne sais plus comment il s’appelle… Peu importe. Quel sourire, quel charme, quel corps !

Rien que d’y penser…

Les New-yorkais sont de plus en plus agressifs. Ils sont comme des machines, obnubilés par la vitesse, la grandeur, la perfection… J’ai parfois l’impression qu’ils courent après quelque chose d’impossible, sans même savoir ce qu’ils cherchent. C’est sans doute le spectre de cette fin de siècle dont tout le monde parle ici, l’angoisse de la fin, la peur de la mort… Je ne sais pas.

Ici, en Europe, tout le monde veut terminer ce siècle en y mettant tout.

Aux États-Unis, on prépare le siècle prochain. Mais New York, ce n’est plus les États-Unis, c’est une cité qui s’appartient à elle-même, l’une des capitales du monde.

J’ai décidé qu’à partir de maintenant, chaque fois que je devrais m’y rendre, je recevrais mes rendez-vous directement dans mes hôtels.

Le répondeur était plein de messages de Steven. Dans le dernier, il avait une drôle de voix. J’espère qu’il ne va pas commettre l’irréparable. Ce serait dommage, un si joli torse. Oui, ce serait pur gâchis que de laisser un tel corps disparaître. Je devrais l’appeler, je crois, lui dire quelque chose, de ne pas abîmer son corps ou je ne sais pas trop quoi.

De toute façon, j’en ai assez de m’occuper des autres. Je vais penser un peu à moi.

À partir d’aujourd’hui, je ne réponds plus au téléphone… Sauf à ce Québécois.

 

***

 

Victor vient d’appeler ! Vraiment je suis tout excitée. Il viendra à Londres, demain. Je lui ai proposé de séjourner chez moi plutôt que de réserver une chambre (tous les prétextes sont bons). J’adore son accent. C’est étrange que j’aime l’accent des Québécois alors que je déteste celui des Français.

Victor a le corps d’un olympien tels qu’ils sont peints sur les fresques antiques. C’est une sorte de beauté modelée tout en muscles. Je ne sais pas grand-chose de lui, mais peu importe. J’ai envie de lui, je le veux. Je veux sentir son corps glisser contre le mien, ses lèvres soufflant dans mon cou… Je le veux tout entier !

 

***

 

J’ai passé tout l’après-midi au lit avec Victor. Il m’a épuisée. J’ignorais que les Canadiens avaient une telle énergie. Je crois que je pourrais passer des semaines entières avec lui, rien qu’à faire l’amour.

Je me demande si je ne commence pas déjà à m’habituer à sa sensualité. Il faut que je m’en méfie.

Mais je lui ai dit que je ne sortirais pas avec lui ce soir.

Demain, j’ai mon rendez-vous avec GD. Je n’ai pas tellement envie d’y aller. Je ne sais pas s’il me reste assez de vivacité pour le suivre dans l’une des soirées qu’il affectionne tellement.

Je me souviens de l’un de nos premiers rendez – vous. Il m’avait emmenée à Venise dans un jet qu’il avait loué pour l’occasion. Il y avait des hommes (très mignons d’ailleurs) qui étaient déguisés en guerriers romains et qui veillaient sur nous.

GD avait voulu organiser une sorte d’orgie antique à la Lucrèce Borgia. C’était fantastique. C’est d’ailleurs là que j’avais rencontré Herb, le photographe… J’aime ce genre de situation. Je me sens comme une petite fille que l’on déguise, que l’on ma – quille et à qui on offre tous les plaisirs de la terre, juste un soir.

GD voue un culte enflammé au faste, au luxe et au futile. Je n’ai jamais vu quelqu’un dilapider son argent aussi vite que lui. Combien de ces fêtes incroyables a-t-il données ? Combien d’inconnues a-t-il couvertes de bijoux ? Combien de fois a-t-il pris le Concorde sur un coup de tête pour aller s’amuser à l’autre bout du monde ? Pourtant il ne possède que trois galeries. Une à Londres, une à Paris et l’autre à New York. J’ignore comment il fait. Mais il a toujours refusé de parler d’argent. C’est son mystère à lui. Il veut que ses amis dépensent sans compter, mais lui, il n’y fait jamais allusion.

D’un autre côté, il est aussi le roi de la débrouille. Il négocie tout, parvient à obtenir des nuits gratuites dans les hôtels les plus prestigieux, prête une peinture contre la location d’une voiture, transforme ses amis en un réseau d’aides des plus efficaces.

Il est sans doute la personne que je respecte le plus au monde, mon meilleur ami, s’il en est. Je crois que je peux tout lui dire. Il ne juge jamais. Il écoute et agit en conséquence, dans l’ombre, pour essayer d’aider ou de rendre heureux ses amis.

Oui, je vais y aller. Je vais demander à Victor de rentrer chez lui ou de prendre une chambre à l’hôtel.

 

***

 

Avant-hier, Victor est rentré et il avait trop bu. Il s’est mis nu dans le couloir avant de se jeter sur moi.

Le voyant si vulnérable, je n’ai pas pu m’empêcher d’en profiter. Il a un si joli corps, une peau si douce, si jeune… que je n’y ai pas résisté. Je l’ai mis dans le Jacuzzi avant de l’y rejoindre. Et nous avons partagé un moment magnifique.

J’ai réveillé Evelyn pour qu’elle nous apporte du champagne. Nous avons bu et fait l’amour toute la nuit dans l’eau.

Victor m’a dit que mes jambes étaient si longues et si fines que l’on ne savait jamais où elles allaient s’arrêter…

Lui aussi a un corps splendide. Bien sûr, il n’a pas le torse de Steven, mais Victor dégage quelque chose de plus puéril, une sorte d’insouciance que j’apprécie énormément.

Nous nous sommes allongés nus sur le balcon et nous y avons fait l’amour. N’importe qui dans la rue aurait pu nous voir. Mais nous l’avons fait et c’était… splendide !

Au petit matin, nous avons regardé le soleil qui se levait sur Londres. Nous étions tous les deux nus, avec nos coupes de champagne dans la main, seuls au monde…

Il faut que je me méfie, je ne veux pas qu’il tombe amoureux, lui aussi.

Finalement, je l’ai emmené chez GD, hier. Je me demandais quelle serait sa réaction, mais GD n’a rien dit.

Comme toujours, nous sommes allés à l’aéroport et nous avons pris un jet, loué pour l’occasion. Il y avait une dizaine de personnes que je ne connaissais pas qui nous attendaient.

Pendant le voyage, j’ai remarqué que GD sympathisait avec Victor. J’étais contente. Je n’avais pas envie de me priver de l’un pour avoir l’autre.

Après de longues heures de vol, l’avion a atterri sur une petite île perdue au milieu d’une mer d’un bleu turquoise presque transparent. Et c’est là, au milieu d’une jungle luxuriante, que GD nous a emmenés. C’était de la folie pure.

Deux Jeeps sont venues nous prendre et nous nous sommes enfoncés dans la forêt tropicale. Jamais je n’aurais imaginé me retrouver dans une telle aventure. Je n’arrêtais pas d’embrasser GD pour le remercier.

Il m’a dit : « Attends, ça ne fait que commencer ! »

GD a allumé un joint et après quelques bouffées, nous nous sommes mis à rire comme des enfants.

Victor ne cessait de taquiner GD et j’ai tout de suite senti que quelque chose de spécial naissait entre eux (pendant ce temps, ses autres invités semblaient médusés par notre aisance et nos facultés d’adaptation).

Il faisait chaud et humide. La moiteur de l’atmosphère imprégnait nos vêtements et, les effets du joint s’amplifiant, me plongeait dans une sorte d’excitation électrique.

la voiture s’est arrêtée au milieu d’une clairière bordée de bananiers.

C’était vraiment inattendu et même complètement fou, de se trouver au milieu de cette flore sauvage en robe du soir, une coupe de champagne à la main.

Un peu plus loin, sous une tente gigantesque, nous attendaient deux cents autres invités venus de tous les pays du monde. Cela allait de la haute bourgeoisie française à la jet-set mafieuse italienne en passant par des vedettes ou des artistes américains et des hommes d’affaires allemands. Un festin grandiose était dressé sous des cascades de fruits et des pyramides de coupes de champagne. Tout y était, du vin californien au Mouton-Rothschild, du foie gras au caviar de Russie, de l’héroïne à l’ecstasy.

Un grand plat en argent était empli d’une fine poudre blanche et ça n’est qu’en m’approchant que j’ai réalisé que c’était de la coke. Je n’avais jamais vu une telle quantité de drogue sous mes yeux.

Le début de la soirée a été des plus protocolaires. Ça n’est qu’à Ia nuit tombée, déliés par l’alcool et les drogues, que les invités se sont vraiment amusés.

À un moment, j’ai surpris GD qui embrassait Victor. Cela m’a un peu choquée. Je n’avais jamais pensé cela de GD. J’imagine que la proximité d’autant de produits illicites a eu raison de sa sexualité.

Je me suis amusée à goûter les fameux space – cakes tout en fumant un joint. Victor est venu près de moi et il avait les yeux tellement rouges que je ne l’ai pas reconnu. Il m’a dit qu’il en était aux champignons hallucinogènes. J’en ai mangé avec lui et nous avons fait l’amour au milieu des plats, devant tous les autres invités.

J’ai un peu bavardé avec le mannequin ND qui m’a lâché : « Il y a tout ici pour faire un régime comme je les aime. » Après, elle m’a expliqué qu’elle prenait de la coke pour ne pas grossir. PB est arrivée et elle s’est mise à la déshabiller sous mes yeux comme pour m’inviter à les rejoindre. Mais je me suis contentée de sourire avant de rejoindre GD qui dansait avec Herb, Pierre de P et Lisa R (qui a terminé couchée au milieu de la cascade de fruits).

À la fin de la soirée, les battements de tam-tam ont interrompu nos ébats.

Une quinzaine de garçons déguisés en sauvages sont venus nous « attaquer » et là, je dois dire que GD a fait très fort. D’abord, ils ont envahi notre tente, ensuite ils nous ont tous attachés les uns aux autres, et puis ils ont fini par nous faire boire une sorte de mixture un peu écœurante (je me demande s’il n’y avait pas d’autres hallucinogènes dedans).

Ces « sauvages » étaient des plus jolis que j’aie jamais vus de ma vie. Ils nous ont détachés et c’est là que les festivités ont vraiment débuté. Je crois que je n’ai jamais noté autant de numéros de téléphone en

une soirée. GD était heureux de me voir rire de si bon cœur.

Je crois que son plaisir a lui, c’est de voir qu’il peut rendre les autres heureux. En même temps, il doit être un peu fou pour dépenser autant d’argent pour une seule soirée. Il m’a avoué aujourd’hui qu’un trafiquant international lui avait légué toutes ces drogues pour trois fois rien.

Nous avons dormi là, au milieu de la jungle. À mon réveil, j’ai repris un ecstasy.

Après, je ne me souviens plus…

 

***

 

Hier soir, je me suis surprise à appeler des numéros de téléphone « rose ». J’ai écouté toute une série d’annonces avant de décrocher un numéro de téléphone. Je ne savais pas tellement comment m’y prendre, mais ça a marché.

Je crois que j’avais envie de m’abandonner à l’inconnu. C’est un étrange sentiment. Rejoindre quelqu’un que l’on ne connaît pas. Ça a quelque chose d’un peu divin dans le sens où c’est plus ou moins le destin qui décide, on ne sait pas sur qui on va tomber. Lorsque j’ai obtenu cet homme au téléphone, je lui ai posé peu de questions. Je ne voulais pas en savoir trop pour ne pas gâcher mon plaisir.

J’ai pris la voiture et je me suis enfoncée dans la nuit provinciale. J’avais le sentiment de fuir. Peut – être que c’était moi que je fuyais, je ne le sais pas.

Je suis arrivée devant son immeuble et je me suis dit que je devais être folle, que mon engouement pour le sexe prenait des proportions invraisemblables.

Le jeune homme a ouvert la porte et, comme il me l’avait dit au téléphone, il était assez beau. Lorsqu’il a voulu parler, j’ai posé mon doigt sur sa bouche et je l’ai embrassée. C’était ma bestialité à moi qui agissait. Je n’étais que l’instrument de mon inconscient, un corps obsédé par sa propre sexualité.

 

Lorsque je suis sortie de chez lui, j’ai éprouvé un bien-être inexplicable. Je me sentais libérée de toutes contraintes émotionnelles, j’étais redevenue moi – même.

Je suis rentrée et j’ai pleuré. Je me suis installée dans le Jacuzzi avec une bouteille de whisky et je l’ai vidée, toute seule. Je me demande vraiment si je ne deviens pas folle.

 

***

 

Mon mari est rentré pendant Ia nuit. Il m’a à peine dit bonjour. II a vu les six caisses de champagne que j’avais commandées et je l’ai entendu enguirlander la pauvre Evelyn. Ce matin, j’ai fait comme s’il n’était pas là. Je suis restée au téléphone avec Neil.

Je ne sais pas si j’ai jamais aimé Daniel. C’était un mariage de convenances. Nous étions tous les deux au même endroit, au même moment. J’avais besoin de quelqu’un, d’une présence, et lui cherchait un alibi à sa vie.

Personne n’a jamais cru en notre amour. On ne m’a jamais demandé si je l’aimais. Peut-être qu’autant certains couples peuvent dégager le bonheur, que nous ne dégagions qu’un contrat moral, une sorte de stérilité froide et ennuyeuse qui ne donnait pas envie de poser de questions.

Aujourd’hui, nous sommes comme de vieux voisins. Nous connaissons chacun les habitudes de l’autre, mais nous ne cherchons pas à en savoir davantage. Daniel vit pour son travail et ses maîtresses et moi je poursuis ma quête de moi-même, sans savoir si je finirai par me trouver un jour.

Nous regardons tous les deux notre nombril, car c’est là que commencent et finissent nos mondes. Le reste n’est que dérisoire.

Ça y est, j’ai acheté la maison espagnole de Steven. Elle ne sera plus qu’une carte postale, un souvenir. Harrif m’a appelée pour me dire que L’enterrement avait été insupportable. Tout le gratin était là (même GD). Il paraît que sa mère s’est jetée sur son cercueil dans des pleurs hystériques. Ils ont dû lui faire une piqûre…

Adieu Steven. Adieu mon amant fantastique…

 

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